Le deal à ne pas rater :
Réassort du coffret Pokémon 151 Électhor-ex : où l’acheter ?
Voir le deal

Partagez
Armarius
Armarius
Messages : 1020
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeLun 30 Déc - 17:04
L'entrée du prince d'outremer

L'entrée du prince d'outremer 4fa4a9de041413a822bb1816e7a6e416--medieval
Après avoir passé la nuit à Saint-Clair, dans l'un des riches hôtels ducals aux alentours de la ville, le duc et les siens avaient prit la direction de Soulans, la capitale, à quelques 170km de là.
Le voyage en bateau remontait la Bréa en passant par les cités de Belfort, Parmelier et Arpagnon. Il avait prit un peu plus d'une journée, avec une nuit passée sur le fleuve, le temps pour le duc d'être informé de la suite des événements.
L'entrée dans la cité s'annonçait moins triomphale que l'arrivée à Saint-Clair car la ville était encore agitée par la révolte d'il y a trois ans, toujours galvanisée par quelques fauteurs de troubles, dont Jacques Delphin, le prévôt élu. Le pouvoir ducal y était peu assuré, mais il était important selon de Raysac que le nouveau duc s'y montre pour affirmer son autorité. Il était prévu d'arriver par la grande porte Est, puis de prendre la grand rue et traverser le quartier de la Grenouillère jusqu'au Sanctuaire. Là, Eudes allait pouvoir se recueillir sur la tombe de son père Hugues, inhumé parmi ses ancêtres dans la nécropole ducale. Puis, on s'en irait au palais où avait lieu un grand banquet réunissant les barons et les prélats de Cahogne.

Eudes s'était revêtu d'une belle armure étincelante forgée spécialement pour lui. Sur la cuirasse d'argent était peinte la fleure de lys ducale sur un blason de gueule. Le duc plaça sur sa tête son heaume orné d'une plume rouge et monta sur un magnifique palefroi tout apprêté pour l'occasion.
Plusieurs barons étaient inquiets que le duc entre ainsi à cheval.

« Vous êtes bien sûr de vouloir faire votre entrée sur votre cheval monseigneur ? Ce peut être dangereux pour votre sécurité. »


Mais le jeune duc était prêt à prendre le risque. Entrer dans sa ville protégé dans une voiture aurait été un signe de faiblesse. En Ponantique, plusieurs fois déjà Eudes était entré dans des villes hostiles, tout juste arrachées aux infidèles Sanlars.
Espien de Raysac monta à son tour sur son destrier, il allait faire son entrée aux côtés du duc. L'évêque de Soulans était habillé de son costume blanc et sa mitre aux liserés d'or. Rien ne le laissait paraître, mais il portait en dessous une côte de mailles, en cas d'imprévu.

« Vous avez bien raison mon prince, faire votre entrée en calèche n'aurait convenu à votre rang, il aurait été bien dommage de cacher une si belle armure. Vous devez vous montrer à votre peuple. Et ne vous en faite pas, nous tenons la ville. »

L'évêque n'était apparemment pas tant assuré que ça au vu des nombreux gardes qui accompagnaient le duc, plusieurs hommes en armures lourdes, armés de grosses haches de guerre et montés sur des chevaux. Ils formaient la fameuse garde huscarls, une unité d'élite fondée par Hugues II. Depuis la révolte de Soulans et l'octroi d'une charte de franchise, l'armée ducale n'était plus autorisée à entrer dans la ville et seule la garde pouvait assurer la protection du duc et de sa famille. Autour d'eux il devait y avoir une centaine d'hommes, mais l'unité en comptait un millier.
La procession était composée de la garde, du duc et de l'évêque en premier, puis des barons à cheval, et des prélats en voiture. Suivait la famille ducale. Les députés des diverses corporations de Soulans avaient accueilli le duc et rejoint le cortège.
Des trompettes sonnèrent à l'arrivée du duc, annonçant le début du rituel d'entrée. Solennellement on ouvrit les grandes portes. Plus de 5 ans s'étaient écoulés depuis que Eudes avait foulé pour la dernière fois les pavés de Soulans, la ville où il avait grandit.
Pour l'occasion, on avait jonché les rues de fleurs et de pétales, accroché des guirlandes de couleurs, étendu des tentures et des tapisseries, montés des estrades à certains endroits. La ville s'était tout habillée pour l'arrivée de son duc. Les badauds s'étaient réunis pour saluer leur suzerain, retenus par un cordon de garde, mais il était évident que l'enthousiasme du peuple était moins fort qu'à Saint-Clair. Certains criés le nom du duc, mais on pouvait douter de leur sincérité.
Tout cela avait bien sûr été orchestré par l'évêque.

« Voyez comme votre peuple vous aime mon prince. Tout comme à Saint-Clair, partout dans le pays nous attendions votre retour. »

Le cortège s'avança dans la grand rue et passa sous un arc de triomphe en bois construit pour l'occasion. Sur un côté, des jongleurs faisaient valoir leur agilité, d'un autre, des musiciens jouaient de la chalemie et du tambour.
Mais un peu plus loin, Eudes aperçu des enfants près d'un mur où il était écrit « mort au duc ! ».
Remarquant le duc médusé par ce qu'il voyait, de Raysac se pencha vers lui.

« Ne vous inquiétez pas mon prince, je vous l'ai dit, nous contrôlons cette ville. »

En effet, à y regarder de plus près les enfants n'étaient pas en train d'écrire mais d'effacer. Munis d'éponges et de seau d'eau, ils s'affairaient à nettoyer la façade souillée d'injures. C'était les petits oisillons de Rigaud Dents-Blanches, l'un des chefs de la pègre de Soulans avec qui le gouvernement ducal était allié.
Mais alors que l'évêque souriait de fierté face à cette démonstration, un terrible événement vint lui effacer son rictus. Le duc venait de recevoir une betterave mûre sur son plastron. Le projectile, provenant d'une fenêtre à l'étage d'une maison, laissa une trace rouge sur la belle armure ducale. L'évêque tira sur les brides de son cheval et cria aux gardes :

« Fouillez moi cette maison et trouvez moi l'auteur de ce crime ! »


Les musiciens s'étaient arrêtés de jouer et les jongleurs de jongler. Espien les montra du doigt.

« Vous ! Reprenez la musique ! Ce n'est pas une betterave qui va gâcher cette fête ! »

De la maison coupable, les gardes en sortirent une mère et ses deux enfants, deux garçons d'à peine 12 ans. L'un des huscarls s'approcha.

« Nous avons trouvés ces trois là monseigneur. Et des betteraves chez eux. Il ne fait aucun doute que l'un d'eux, sinon les trois, sont coupables. »
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeMer 1 Jan - 15:03
Je ne partage ni l’appréhension, ni la peur de mes conseillers et des nobles autour de moi. Je vois leurs regards anxieux, leurs traits tirés, les chemises de maille qu’ils glissent sous leurs beaux doublets et leurs manteaux. On dirait que Soulans est une ville étrangère, pleine de sicaires fanatiques qui n’attendent que l’opportunité pour venir m’occire. Mais pour qui se prennent-ils ? Des villes qui ont des raisons de vouloir me tuer, j’en ai vu, j’en suis entré dans des dizaines, et toujours par la grande porte. Ici, c’est ma capitale. Quelle image enverrais-je à mon duché si je débutais mon règne en me cachant dans une charrette ferrée, personne ne pouvant voir mon visage tant les housecarles m’encerclent ? J’ai refusé d’avoir des gardes à ma proximité. Ma famille restera en arrière, les prisonniers et les invités seront bien gardés, j’ai finalement abdiqué l’idée de parader le frère du sultan dans une cage de fer. Mais moi, je serai bien devant, fier et fort, poing sur la hanche, à battre le pavé avec les sabots de mon cheval.

L’idée a plu à Espien de Raysac. L’évêque est parfaitement en phase avec moi. Du triumvirat, c’est lui qui pour l’instant a su le mieux me charmer. Il semblerait qu’il ait fait beaucoup d’efforts pour que mon entrée se passe bien. Je passe sous un arc de triomphe. Je remonte les avenues au son des cloches. On a décoré les avenues de partout. Et les graffitis insultants disparaissent alors que moi et mes hommes allons au Sanctuaire, où je pourrai enfin revoir mon père – du moins, le gisant de sa tombe, à défaut de mieux.

Du moins, jusqu’à ce que quelque chose soit jeté sur moi. Je ne m’en suis pas rendu compte immédiatement, le bruit dans les rues a assourdi l’explosion de la betterave, et mon harnois m’a gardé de toute sensation. C’est en voyant l’horreur et la colère sur le visage du chancelier que j’ai pu me rendre compte comment quelqu’un venait d’attenter à mon insigne personne. Mon harnois est magnifique, complété par un manteau fourré et un surcot brodé de fils d’or. En venant de le souiller, celui qui a fait ça vient de s’attaquer au Duc lui-même. Je me suis mis à serrer les crocs et à fermer les poings sur mes rênes, une colère prête à exploser. Fort heureusement, Espien gère sans que j’aie besoin de donner d’ordres : Plutôt que d’ignorer la provocation, il nous arrête en pleine rue et demande à la soldatesque d’aller tirer les responsables de leur trou.
Une décision qui peut être contestée. Je suis sûr qu’un chef de la garde y trouverait à se plaindre : S’arrêter en pleine rue, n’est-ce pas parfait pour une embuscade ? N’est-ce pas une diversion toute trouvée ? Chez les infidèles, si quelqu’un m’avait jeté un fruit pourri, on ne se serait pas arrêtés pour châtier les responsables. On m’aurait recouvert d’un manteau, protégé avec des écus, et on aurait accéléré à toute allure pour gagner un palais ou une place forte à défendre.
De plus, ne serais-ce pas au guet municipal et à la prévôté de juger ces actes ? Peut-être. Je ne pense pas. S’attaquer à moi, c’est faire un crime de lèse-majesté. On en appelle à des usages plus anciens, des usages plus virils et violents. Je vais juger l’affaire directement.

Malheureusement, nul homme cruel. Nul brigand immonde. Nul vagabond crotté. Une mère de famille et deux garçons beaucoup trop jeunes. C’est dommage. Les faire pendre haut et court serait un mauvais signe. Les bonnes gens de Soulans ne seraient pas terrifiés – ils seraient révoltés. Il me faut asseoir mon autorité, pas les pousser à la haine.

J’approche mon cheval d’eux. Dressé sur un destrier hongre, moi-même grand, je suis tellement massif que je les recouvres tous les trois de mon ombre. Je me donne en spectacle. La politique est un théâtre – ce n’est pas ces trois petits vauriens que je veux impressionner, ils doivent être déjà bien assez terrifiés comme ça, à avoir été tirés de chez eux par de solides housecarles semi-païens. C’est la foule elle-même que je veux impressionner. Le peuple de Soulans qui ira raconter par la rumeur, ou chanter dans des sonnets satiriques et moqueurs, la manière dont j’ai réagi à une betterave lancée sur ma personne.
Je raille, comme un lionceau, afin que tout le monde m’entende :

« Voilà un étrange présent que vous faites à votre seigneur et suzerain, garçonnets. Vous lui offrez une betterave, voulez-vous qu’il vous montre les fruits que l’on mange en Outremer dont il revient ? »

Humour pince-sans-rire. Je souris pas. J’aime bien faire ça à mes interlocuteurs : Faire qu’ils ne savent pas si je me fous de leur gueule ou si j’ai envie de les massacrer. Ça permet de les déstabiliser.

« Lorsque j’étais en Outremer, il arrivait souvent que notre armée meurt de faim ! Les ventres vides, faméliques, nos estomacs gargouillaient et nous suppliaient de les nourrir. Nous priions Dieu tout-puissant de toute notre ferveur de nous envoyer les plus minuscules fèves pour nous apaiser.
Vous n’avez visiblement pas l’air de vous rendre compte de ce qu’une betterave représente. Monseigneur Espien ! Y a-t-il un hospice pour les pauvres, une charité locale, dans laquelle nous pourrions enfermer ces deux garçons, afin qu’ils aident mon bon peuple de Soulans par leur labeur au lieu d’ainsi gâcher les fruits de la Terre que notre bon Seigneur nous permet de cultiver ?! »
Armarius
Armarius
Messages : 1020
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeSam 4 Jan - 12:53
Malgré la reprise des musiciens et des acrobates, le temps s'était soudainement suspendu. La foule attendait la décision du prince.

« Il y a bien l'hospice des petits pauvres. Mais la Géolière aurait peut être été mieux pour eux. »

Avec un regard cruel de Raysac fixait les deux enfants que la simple mention de la prison de Soulans faisait frisonner. Il n'était pas possible de savoir ce que l'évêque avait vraiment en tête, voulait-il leur faire peur ou bien pensait-il vraiment que la sentence la plus juste aurait été de mettre ces deux gamins et leur mère dans les terribles cachots de la Tour de la Geolière ?

« Vous avez de la chance d'avoir un seigneur miséricordieux. Qu'on emmène ces gens à l'hospice et qu'ils y servent leur prince. »

Deux puissants huscarls prirent les enfants avec eux et ils disparurent. Puis le cortège reprit sa route. Tout s'était bien déroulé, aidé certainement par la présence de la garde ducale.

« Vous avez eu raison de ne pas châtier trop durement ces garnements, cela aurait été malavisé au milieu de la foule. La population de Soulans peut être parfois turbulente et le moindre incident peut tout faire basculer. Je peux discrètement donner l'ordre de faire pendre ces criminels si vous le désirez ? »

Après avoir remonté la grand rue, les remparts du Sanctuaire étaient en vue. Devant la grande porte, pour accueillir Eudes, plusieurs moines et chevaliers Porte-Croix attendaient. Tour à tour, plusieurs clercs vinrent présenter leurs salutations au nouveau duc de Cahogne, puis un chevalier Porte-Croix approcha.

« Veuillez me remettre vos armes monseigneur. »

A l'intérieur du Sanctuaire les armes étaient prohibées et même le duc devait respecter cette règle. Seuls les chevaliers réguliers étaient autorisés à porter leurs épées et désormais ce sont eux qui allaient assurer la protection du duc pendant que sa garde attendraient à l'extérieur.
La terre sacrée du Sanctuaire était un lieu paisible et calme, totalement séparé du reste de la ville.  Pour l'occasion, il avait été fermé au public et seul le duc et les siens pouvaient y entrer. C'était un moment apaisant pour Eudes qui n'avait connu que la foule depuis son retour.
La cortège remonta un chemin dallé de pierres blanches, entouré de statues saintes et de fontaines, puis passa devant la sainte basilique, église dédiée aux trois saints de Cahogne : saint Adrien, saint Sabin et saint Hugues le Martyr. C'est ici qu'étaient entreposés les regalias du duché qui allaient bientôt en sortir pour servir au sacre du nouveau duc.
Après avoir traversé un magnifique jardin, ils s'arrêtèrent devant la nécropole des ducs.

« Je vais vous laisser ici mon prince, car je pense que ce moment est à partager seulement avec votre famille. Nous allons vous attendre à l'extérieur. »

L'entrée du prince d'outremer Matd
Humblement, de Raysac se retira pour laisser le duc en famille. C'est accompagné de ses trois sœurs, Jeanne, Blanche et Alix, de sa mère Constance et de ses deux cousins Hubert et Raymond, que Eudes entra dans le tombeau de ses ancêtres, là où reposait son père Hugues.
La dernière maison des ducs était silencieuse et sombre, à peine éclairée par la lumière grise transperçant les vitraux multicolores.
Sur la gauche de la nef, reposaient les premiers ducs de Cahogne, Raoul et Eudes, avec leurs épouses. A droite se trouvaient les sépultures de la maison de Bohain, Lothaire Ier et Jeanne de Cahogne, puis leurs fils Hugues II et Raoul de Porez. Au centre trônait le gisant de la grande duchesse Clotilde l'Emperesse qui symboliquement faisait le lien entre les deux familles. En tant que fondatrice de la chapelle, elle avait une place privilégiée.
Mais celui qui occupait majestueusement les lieux était son père, saint Hugues le Martyr, dont l'immense tombeau renfermant ses reliques occupait une grande partie du choeur. Contrairement aux autres morts, le gisant de saint Hugues était recouvert de feuilles d'or.
Entre le saint et l'Emperesse, se trouvaient 3 tombes, l'une était vide et attendait son hôte, les deux autres étaient surmontées de gisants, l'un représenté avec une couronne et un sceptre, l'autre simplement en tenue de chevalier. C'était Hugues III accompagné de son fils aîné, Hugues le Jeune, frère de Eudes. Les deux gisants avaient le même visage figés dans la pierre à jamais, mais Eudes avait bien du mal à reconnaître son père. Avait-il tant changé depuis son départ ?

« Le sculpteur a complètement raté papa. Il lui a fait une tête de Kichique ! »


La voix de Blanche résonna dans la chapelle, brisant le silence solennel.

« Chut Blanche ! s'agaça Jeanne, un peu de respect pour nos ancêtres !
- Mais tu ne trouve pas qu'on dirait qu'il a les yeux bridés ? C'est le khan de Cahogne qu'on a enterré ici ! »


Ne faisant pas attention aux remarques sarcastiques de sa fille, Constance s'approcha du gisant de son mari pour lui toucher la main.

« Notre fils est rentré Hugues. Il va reprendre en main le duché et remettre les choses en ordre.
Approche Eudes. »


Contrairement à Blanche, Constance prenait ce moment au sérieux. Raymond lui aussi avait l'air sincèrement bouleversé, affichant une mine décomposée.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeSam 4 Jan - 17:49
On se débarrasse donc des fauteurs de troubles. Espien leur fout les jetons avant d’ordonner aux Housecarles d’aller les amener au boulot. Il semblerait que, selon le chancelier, j’ai pris la bonne décision – cela ne l’empêche pas de m’assurer que je peux bien faire preuve de cruauté, si je le souhaites. Je pince les lèvres et lui répond, assez sévère :

« Trop dangereux. Ce sont des enfants qui vivent dans ce quartier, il est probable que des gens les connaissent. S’ils disparaissent du jour au lendemain, des rumeurs se répandront…
Ce n’était qu’une betterave. Ce n’est pas grave. C’est humiliant, mais ce n’est pas grave. J’espère juste que les sbires censés assurer ma protection seront bien plus vigilants la prochaine fois. Je remercie Dieu que ce n’était qu’un légume, et non le carreau d’une arbalète. »


Je garde le sujet dans un coin de ma tête : Il sera question de faire des révisions auprès de mes gardes du corps. Mais il va sérieusement falloir remettre de l’ordre dans Soulans. C’est ma capitale. J’aimerais bien ne pas me sentir pris en otage dans ma propre ville, sinon, toute ma puissance, mes armées et mon argent ne serviront pas à grand-chose.



Les Portes-Croix gardent le sanctuaire. Aussi étonnant que cela puisse paraître pour un chevalier croisé, je n’aime pas les Portes-Croix. Mon petit frère, le preux Lothaire, les adores, et il est allé perdre ses troupes en soutenant leurs stupides assauts. Les ordres de chevalerie bénéficient du respect des princes et de la population superstitieuse, pour moi, ce ne sont rien de plus que les sous-fifres de a petite noblesse qui y ont trouvé un moyen d’avoir une importance politique qui dépasse franchement leur rang. Ils sont des banquiers, ils gardent de magnifiques commanderies fort prospères, et croyez-moi, ils sont loin de tous respecter leurs vœux. Hypocrites. Fanatiques. La seule qualité que je leur reconnais, c’est qu’ils sont d’excellents combattants et chefs de guerre, souvent bien plus subtils dans la tactique que la plupart des chevaliers Cahons qui aiment charger sans se poser de questions.
Mais pour l’heure, je dois faire semblant de les respecter et de les apprécier. Et donc me désarmer devant eux. Dans ma ville. Dans la nécropole où reposent mes aïeux. L’épée c’est pas qu’une arme, c’est le signe de ma noblesse. Je n’aime pas avoir à retirer ma ceinture où se trouve mon fourreau.

Un jour, je m’occuperai de leur cas, à eux aussi.



Je ne suis pas le plus fidèle des Triaphysistes, mais le Sanctuaire parvient à faire vibrer le dévot qui est en moi. Les vitraux, les statuts, la piété toute entière du lieu me pousse à l’humilité. Je sens mon échine trembler devant les regards de pierre des saints, et je sens comme un énorme poids sur mes épaules. Alors que nous approchons petit à petit de la nécropole où dort mon père, je me sens soudain atterré. Triste. C’est comme si la réalité de la perte de mon père venait enfin me frapper. Pas de politique. Pas d’intrigues. Pas de choses auxquelles réfléchir. Je ne descend pas dans la nécropole en tant que Duc de Cahogne, j’y descends en tant que fils qui y a perdu son père. Je me surprends à ralentir le pas, alors que je remercie Espien pour sa compassion, et que je rejoins ma famille.

Je ne peux pas m’empêcher d’aller vers Blanche, et de lui chuchoter quelque chose à voix basse, de peur que l’écho de la nef ne réverbère mes paroles. Lui chuchoter quelque chose avec ma voix étranglée, et les dents serrées de tristesse et de regrets :

« À quoi bon aller parler à une tombe ? Papa est mort. Il ne peut plus nous répondre. »

Papa est là.
Mon frère aussi.

Mes dents se desserrent. Ma mâchoire tremble. J’étais assez peu proche de mon père – je l’aimais, mais d’un amour viril, franc, respectueux. Pas d’un amour tendre. Mais mon grand frère… Mon grand frère c’est autre chose.
Il était beau. Humble. Chevaleresque. Brillant. Parfait dans tout. Calme et courtois. Il s’entendait bien avec tout le monde. C’était impossible de le détester. Je l’aimais tendrement. J’aimais jouer avec lui. Je l’admirais quand il se battait en lices. Il me manque tellement.

Et pourtant, quelque chose ne va pas. Je m’arrête devant la tombe de mon père, et j’entends Blanche se mettre à faire des remarques atroces. Je n’avais pas vu mon père depuis cinq longues années, mais… Mais oui, son visage est horrible. Je serre les poings. Je me sens tellement en colère en général que, comme elle, je ne peux pas m’empêcher de me focaliser là-dessus – c’est mieux que d’affronter mes vrais sentiments.

« Qu’on me dise le nom du sculpteur qui a gravé cette horreur ! Il remboursera tout le prix qu’on lui a offert pour ce gisant, et il payera une amende pour financer sa reconstruction !
C’est pas possible d’être entouré d’incompétents comme ça ! »


Je passe ma main dans mes cheveux, m’éloigne du tombeau de mon père alors que ma mère souhaitait que je m’approche. À quoi ça sert ? Pourquoi lui parler comme s’il était là ? Il n’est pas là. C’est débile. On parle à un cadavre qui pourrit sous une dalle de granit.
Il est mort sans que je puisse revoir son visage. Je ne suis même plus capable de tout à fait le reconstruire dans mon esprit. Et rien que cette idée me force aux larmes. Je les sens couler sur mes paupières. Je n’en ai pas honte : Devant ma famille, je peux pleurer. Devant ma famille, je peux manifester mes émotions.

Alors je me retourne devant ma mère, mes sœurs, et mes cousins.

« Qui ici était avec lui, dans ses derniers jours ?
J’ai envie que vous me disiez comment mon père est mort. Et me mentez pas. Ne me dites pas qu’il n’a pas souffert juste pour me brosser dans le sens du poil. Je veux entendre la vérité de vos bouches. »
Armarius
Armarius
Messages : 1020
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeSam 4 Jan - 21:44
Blanche tenta de réconforter son frère.

« Doucement Odilon, je disais ça pour rigoler. Çà a autant d'importance ?
- On a même pas eu notre mot à dire,
intervint Jeanne, c'est le conseil qui a engagé un obscure sculpteur pour faire le gisant. Moi je voulais qu'on prenne Edgar Monart, c'est vrai que la sculpture n'est pas sa spécialité, mais il a déjà peint plusieurs fois papa et il sait à quoi il ressemble. L'autre ne l'a peut être vu que deux ou trois fois... ce n'est pas qu'il est incompétent, c'est qu'il n'avait pas vraiment de modèle... je ne sais même pas s'il a eu accès aux portraits ducaux. Et connaissant monsieur Daguerre, ils n'ont pas dû le payer assez pour qu'il fasse mieux... »

Raymond s'approcha de la tombe et mit les mains dessus, fixant Eudes avec un regard furieux.

« Comment est mort ton père ? Je vais te le dire ! Il est mort seul alors que ses fils jouaient aux chevaliers à des milliers de kilomètres d'ici ! Et ça il en a souffert oui !
J'ai refusé de te suivre il y a 5 ans car je pensais que mon devoir était ici. Et le tien aussi l'était.
Tu as fuit ton pays pour aller combattre sur des terres étrangères, tout ça pour la gloire et la fortune, pour les prouesses guerrières, pour le prestige ! Tout ça juste parce que tu voulais faire comme lui ! »
la voix de Raymond résonna dans la chapelle alors qu'il pointait du doigt le tombeau doré de saint Hugues le Martyr, ancêtre de Eudes mort en Ponantique. Les histoires du saint croisé avait bercées l'enfance d'Eudes et de son cousin, les inspirant, comme toute une génération de jeunes nobles de Cahogne, à se faire chevaliers.

« Et ne me sort pas l'excuse de la guerre sainte, ne me fait pas croire que c'était pour la piété, pour Dieu ! Tu n'as pas besoin de traverser les mers pour servir l'Eglise, les païens nous assiègent déjà ici ! A nos frontières à l'Est et même à l'intérieur de nos terres ! »

Constance s'écarta du gisant, on pouvait voir le malaise dans son regard. Autrefois elle aurait répondu vertement à son neveu qui se permettait d'élever la voix dans un lieu saint, qui plus est dans la nécropole des ducs, mais les épreuves récentes avaient usé la duchesse mère. La mort de son fils aîné, puis celle de son mari, l'absence de ses deux autres fils, son éviction du gouvernement et son retrait forcé dans un couvent, tout ça l'avait miné au point de la changer en religieuse docile. Peut être était-elle aigris et pleine de rancœur, mais son mutisme ne laissait rien paraître de ses réelles pensées...
Raymond continuait, il avait de la rage dans la voix mais aussi beaucoup d'amertume. Il était rouge de colère, mais ses yeux étaient au bord des larmes.

« Pendant 5 ans je suis resté aux côtés de mon oncle pour le servir, pour le conseiller et pour l'aimer.
Et maintenant qu'il est mort, tu te permets de venir prendre sa place après l'avoir abandonné, à faire le beau dans ton armure dorée, à parader dans une ville que tu ne connais plus, à t'adresser à un peuple que tu ne connais plus, à t'asseoir sur la cathèdre d'un père que tu ne connais plus. Tu ne reconnais le duc sur ce gisant ? Ce n'est pas la faute de l'artiste, c'est simplement que tu ne te souviens même plus du visage de ton père... »


Raymond avait jeté un froid, mais le silence de ses cousines et de sa tante sous entendait qu'elles le soutenaient. Hubert lui, s'était mit en retrait, gêné par cette querelle familiale qu'il comprenait à peine.

« Cette betterave que tu as reçu, j'aurais pu la lancer moi aussi ! »

De rage, Raymond frappa dans un candélabre funéraire, renversant les bougies sur le sol, puis tourna le dos à son cousin qu'il ne pouvait plus regarder en face.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 0:40
J’ai envie de hurler. Putain de sculpteur. Blanche a beau essayer de me rassurer, la phrase que prononce Jeanne juste ensuite a de quoi achever de me faire prononcer une sentence. Ce sculpteur payera. Il a défiguré mon père. C’est du lèse-majesté.

Au fond de moi, je sais que c’est sur le coup de l’émotion que je souhaite rendre un tel jugement. Mais j’en ai besoin.



J’ai demandé à ma famille de l’honnêteté. Je ne tolère pas les serpents et les sycophantes. Je sais qu’il est nécessaire de mentir pour vivre en société, que la politique est éminemment hypocrite, que c’est même une vertu – j’ai appris à devenir diplomate. J’ai appris à me tenir. Mais auprès des gens qui ont mon sang, ce n’est pas pareil. J’exige de ceux qui me sont liés d’être entièrement honnêtes. Même quand leur opinion m’offense. Même lorsqu’elle ne me plaît pas.

C’est au moins une qualité que j’accorde à Raymond. Il est honnête. Même lorsqu’il se met à m’accuser. Même lorsqu’il ose, devant tout le monde, dans ma nécropole, m’accuser de tels torts.

C’est sa dernière phrase qui me fait le plus de mal. Une putain de betterave.

« De quel crime oses-tu m’accuser, Raymond ? Comment oses-tu ?! Tu m’as abandonné, toi !
J’avais besoin de toi en Outremer ! Sais-tu seulement ce que j’ai vécu là-bas ? Est-ce que t’en as la moindre idée ?! »


Je rage, je hurle, et fais de grands pas pour me rapprocher de Raymond, me forcer à aller me mettre devant sa trogne. Comment ose-t-il me tourner le dos ?

« Le prestige, la gloire ? Conneries de ménestrel ! J’ai vu rien de plus que de la folie, et du meurtre, j’ai crevé la dalle, j’ai été ruiné par la dysenterie, j’ai vu des gens que j’aimais crever comme des chiens dans le désert ! Je prie tous les soirs au bord des larmes pour que Lothaire qui est resté là-bas rentre sain et sauf !
Et tu sais ce que je faisais là bas ? Je pensais à toi ! Je me disais, « comme je me sentirais plus fort, si Raymond était là. » Ou bien au contraire, « quelle chance que Raymond ne soit pas avec nous, qu’il n’ait pas à vivre ces horreurs. »
T’étais le meilleur homme que j’ai jamais connu. Non, pire que ça : Mon grand frère était le meilleur homme que j’ai jamais connu, et je t’admirais et t’aimais parce que je te voyais en lui. J’avais besoin de toi, et tu m’as laissé tomber ! Et je rentre pour découvrir un duché saigné à blanc, gouverné par des serpents, des meurtriers, des sycophantes qui ont tourné le peuple contre moi, endetté le trésor, gâché nos relations avec tous nos voisins ! Et tu… Espèce de- Tu crois que je suis revenu pour le bonheur de diriger tout ça ?
Je suis revenu parce que c’était mon devoir ! »


Je serre les dents, et le poing.

« Je sais ce que tu vas me répondre. Oui. Tu vas me dire que j’ai failli à mon devoir en tant que fils, n’est-ce pas ?!
Je n’étais pas né pour régner ! Oui, oui je l’admets, j’ai abandonné mon père. Je le regrette. Sincèrement, je le regrette. Mais j’ai été forgé en Outremer. J’ai vu l’horreur des hommes.
Tu crois que je me parade avec mon armure brillante parce que j’ai le goût pour ça ? Après toutes les fois où on a dormi à la belle étoile, qu’on s’est roulés dans la boue pour se battre ? Je donne au peuple ce qu’il veut, parce que je souhaite le garder, le protéger des rats qui veulent leur faire du mal. Partout où il y a des hommes il y a des rats.

Est-ce que tu doutes de ma sincérité lorsque je dis cela ? Regarde-moi dans les yeux pour me répondre, Raymond. Tu serais celui dont le mépris me ferait le plus mal. »
Armarius
Armarius
Messages : 1020
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 1:10
Raymond ne pouvait regarder son cousin dans les yeux.

« Tu fais appel à un passé qui n'existe plus Eudes... si c'était si dur pourquoi es tu resté 5 ans là bas ? Tu y serais encore si le duc n'était pas mort ? Je ne te comprends pas... c'est ici qu'on avait besoin de toi... »

Il garda le silence, laissant Jeanne tenter une médiation.

« C'est finit tout ça maintenant, Eudes est de retour. Il nous a manqué, à tous, à nous et à notre père, mais désormais il est là, il est duc et il va pouvoir remettre les choses en ordres.
- Ta sœur a raison Eudes
, intervint enfin Constance, elle qui avait connu tant de querelle au cours de sa vie, ce n'est pas le moment de nous disperser. Trop longtemps nous avons souffert de ton absence. Nous manquions d'une figure pour fédérer la famille, mais maintenant nous pouvons nous rassembler et faire face à l'adversité. On nous a assez spolié comme ça.
- C'est vrai... ses rapiats...
ne pu s'empêcher de dire Blanche, ils ne nous laissaient même plus voir papa quand il était malade, sous prétexte qu'il était fatigué, qu'il avait besoin de repos... ses médecins ne voulaient pas qu'on approche, à commencer par cet empoté de Népotain... mais ce n'était que des pions entre les mains du conseil...
-  Le conseil
, reprit Constance, Espien de Raysac, Charles Daguerre et le seigneur d'Annequin, ils ont fait passer ton père pour fou et lui ont prit le pouvoir des mains... »

Jeanne vint se mettre entre Raymond et Eudes.

« Mettez de côté vos rancoeurs les garçons, le moment n'est pas à la dispute. Eudes a eu ses raisons pour partir en croisade, tout comme Lothaire les a. Mais je crois en sa sincérité et je crois en son amour pour notre père. Raymond, s'il te plaît, mes ta rancune de côté... Je reconnais mon frère, il n'a pas changé, il est toujours le jeune garçon que tu as connu. »

Jeanne mit sa main sur l'épaule de Raymond pour l'apaiser.
Alix s'était rapprochée de Hubert pour discrètement lui venir en aide dans sa détresse. Il ressentait un profond malaise à voir ses cousins s'écharper. Alix était assez intelligente pour comprendre ce qu'il se passait, mais n'avait pas plus d'intérêt à écouter que son cousin. Elle lui sourit et lui prit la main pour calmer son angoisse qui apparaissait dans son regard.
Raymond lui, restait les yeux dans le vide, à fixer les bougies sur le sol qui continuaient de se consumer...
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 1:18
Ma colère se dissipe. Et ne reste que la tristesse. La tristesse et la rancœur. Rancœur envers moi-même, seulement. Je renifle alors que je sens de la morve dégouliner de mes narines. Je papillonne des cils alors que je sens que maintenant les larmes coulent sur mes joues. Ma voix s’étrangle, et devient soudainement beaucoup plus triste et faible.

« Raymond. Tu as raison, j’ai eu tort de partir. Je regrette. J’en suis désolé. Si j’étais là, j’aurais pu empêcher ces salopards de nous faire du mal.
Tu as le droit de m’en vouloir. Tu as le droit de dire que j’ai tort – je le reconnais. Je m’en veux tellement. Je ne te demande pas de me pardonner.

Mais je te supplie de m’aider. Tu es de ma famille. Je vous ai abandonnés, je le sais, je sais que tu dois penser que c’est trop facile, de revenir comme le fils prodigue, de tout prendre en main après vous avoir laissé tomber pendant si longtemps…
Je te supplie de me laisser une chance. De sauver notre famille. Notre dynastie. De nous débarrasser de nos ennemis. De rendre mon père fier dans les Cieux.

Je ne peux pas le faire sans toi, Raymond. »
Armarius
Armarius
Messages : 1020
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 2:03
Pendant de longues secondes le silence revint dans la chapelle, puis Raymond se décida enfin à regarder son cousin dans les yeux.

« Excuse moi Eudes... passer 5 ans sur les champs de bataille à des milliers de kilomètres de sa terre natale et revenir pour recevoir les reproches de son idiot de cousin... ce doit être dur aussi... Ta mère et tes sœurs ont raison, ce n'est pas le moment de se diviser...
Merci Jeanne. »


Raymond prit la main de sa cousine.

« Il est temps de retourner dehors, ils doivent nous attendre. J'espère ne pas avoir fait trop de bruit... »

Raymond se pencha sur le gisant de Hugues III et embrassa son front.

« Au revoir mon oncle. J'ai été fier de vous servir. »

Une dernière fois, Hugues le Bâtisseur reçu le salut de son épouse et de ses filles. Hubert fit une simple révérence, le petit chevalier restant dans le protocole quelque soit la situation.
Dehors, le cortège attendait patiemment dans les jardins du Sanctuaire. De Raysac était resté à l'entrée de la Nécropole, entouré par des chevaliers Porte-Croix. Lorsqu'il vit Eudes arriver, il s'approcha solennellement et lui mit une main sur l'épaule.

« J'ai moi même perdu mon père et je sais ce qu'est la douleur d'un fils orphelin. J'espère que ces retrouvailles n'ont pas été trop déchirants. J'aurais tellement aimé vous voir revenir de croisade en compagnie de votre père, il aurait été tellement fier de vous. »

Puis l'évêque se retourna et fit signe de la main pour que le cortège fasse demi tour vers la ville.
Daguerre approcha le duc et ne put s'empêcher de ramener la chose à lui.

« Avez vous remarqué monseigneur le magnifique gisant de votre père ? Je l'ai fait faire par un artiste que je connais bien, un grand artiste ! Tout grand souverain mérite un grand artiste pour le représenter dans l'éternel.
- Assurément, renchérit de Raysac. Mon prince, j'ai prit l'initiative d'organiser un grand banquet au palais. Nous allons de suite nous y rendre sans trop nous attarder en ville, j'ai entendu que la saison des betteraves a été bonne cette année et une de plus ferait tâche, si vous voulez bien m'excuser ce jeu de mort. Au palais plusieurs de vos vassaux qui n'ont pu vous accueillir à Saint-Clair nous rejoindrons et pourrons vous prêter hommage. J'ai fait préparer la chambre de votre père pour vous, mais si vous préférez je peux ordonner de préparer votre chambre habituelle. »
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 15:52
Je quitte la nécropole en tout dernier, après avoir posé ma main sur l’épaule de Raymond. La famille. Uniquement la famille. Espien, Daguerre, d’Annequin – ils tomberont, tous, devant moi. Ils tomberont pour ce qu’ils nous ont fait. Je vais agir subtilement. Je vais démolir leur influence petit à petit, anéantir leur clientèle, et je vais refonder la seule chose qui a de l’importance dans notre existence : La famille. La famille.
Avant de partir, je lance une dernière fois un regard dans l’obscurité du temple. Je place mes mains dans mon dos, et observe, froidement, les gisants de mes aïeux.

« Un jour viendra où moi aussi, on viendra m’enterrer ici.

J’espère que je mériterai un tel repos. »


Je me signe respectueusement devant les sépultures des ducs qui m’ont précédé. Il faut que je trouve la force de les surpasser.


Je me sens bien différent en retournant à la surface. Plus doux. Plus calme. Plus déterminé, également. Je sèche mes larmes et remet le tabar de mon armure en place, alors que je remonte dans des cliquetis métalliques les marches qui me conduisent jusqu’au sanctuaire. J’y croise Espien, qui vient tenter de se montrer affectif avec moi. Comparer nos situations. Je lui fais un simple geste de la tête.

« Je vous remercie pour votre félicité, monseigneur. »

En réalité il ne parvient pas trop à me toucher. Qu’espère-t-il faire, en se mettant à mon niveau ? M’attendrir ? Il en faudra plus pour cela.
Daguerre, fièrement, ce gros balourd ivrogne, s’auto-congratule pour le gisant. Cet imbécile. S’il savait à quel point j’enrageais. Froidement, en le foudroyant du regard, j’essaye de contenir ma colère :

« En effet.
Pourriez-vous, s’il vous plaît, me donner le nom de cet artiste, et le convoquer le plus tôt possible au palais ? Je souhaite le remercier en personne et en privé pour son œuvre. Je vous prie. »


Espien se charge de tout le reste de la journée. Je passe mes mains dans le dos alors que je le détaille, des pieds à la tête.

« Je dormirai dans la chambre de mon père. Mais je souhaite que vous prépariez ma chambre habituelle pour mes prisonniers. L’émir Aybak al-Dhiyb et les gens autour de lui doivent faire l’objet d’une surveillance spéciale le temps que je trouve une forteresse dans laquelle l’enfermer. Et puis, ça fera un invité de marque à présenter à mes vassaux. Un souvenir de croisade. »


L’avantage c’est que ma chambre n’est pas loin de celle de mon père. Je peux ainsi aisément cacher Albert et Arda. Blanche prendra Arda comme dame de compagnie, elle fera exotique, dire qu’elle vient du sultanat, on n’a pas besoin de mentir sur ce point. Pour Albert, c’est plus compliqué… Je ne suis pas sûr qu’elle accepte qu’on mente sur sa filiation. Au départ peut-être, je pourrai la convaincre. Pour l’heure elle ne veut que la survie de son enfant, on peut le faire passer pour un proche d’Aybak, ouais. Cela sera sûrement beaucoup plus compliqué lorsqu’il grandira.
Je temporise, j’essaye de sauver les meubles autant que possible.

« Quant à mon sacre… Rappelez-moi le protocole. Comment doit-il se dérouler ? Quand ? Qui est invité ? Est-ce que le peuple sera turbulent ? J’ai besoin de tous les détails. J’aimerais recevoir l’onction le plus vite possible, afin que mon règne soit assuré et puisse débuter dans de bonnes conditions. »
Armarius
Armarius
Messages : 1020
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 16:29
Daguerre afficha un grand sourire, tout content que son suzerain apprécie le travail de l'artiste qu'il avait choisi.

« Bien sûr monseigneur, ça ne serait que mérité. Il s'appelle Henri le Coq, un sculpteur originaire de Julienne qui a servit la famille des Sainte-Croix. Je pourrais le contacter pour lui demander de venir à Soulans. Mais c'est un homme occupé, vous avez, quand on a son talent on est beaucoup demandé. »

Ils arrivèrent devant la porte Sud du Sanctuaire, près à retourner dans la tumulte de la ville.

« Vous voulez vraiment faire dormir ce Baqualdibe dans le palais ? répondit de Raysac, c'est un infidèle mon prince, je pense que la Geolière serait une chambre plus appropriée pour lui et sa suite. »

Ils remontèrent sur leurs chevaux et les portes s'ouvrirent. Un chevalier Porte-Croix rapporta l'arme du duc.

« Vous avez raison mon prince, votre sacre est notre priorité. C'est vrai que vous n'étiez pas né lors de l'avènement de votre père, moi j'avais tout juste 18 ans et ça reste un grand souvenir. J'étais alors étudiant à l'Académie de Soulans. Ça avait été une fête magnifique, le duc était entré par la grande porte sur un cheval blanc, portant une magnifique armure et sa couronne d'or. Il était suivi par un riche cortège et toute la ville était en liesse pour les accueillir... mais ça c'était il y a longtemps... qui aurait imaginé à l'époque que moi, jeune étudiant sans famille, j'allais un jour servir le duc. Le destin est une chose amusante.
Le sacre se déroule dans la cathédrale de Vendaume, en terre étrangère donc. C'est l'Archevêque qui va y procéder, mais ça vous le savez déjà, il est le seul habilité à vous sacrer, comme les rois de Cahogne des temps anciens. Pour les détails nous verrons ça demain. Pour l'heure il faut rentrer au palais. »
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 18:07
La défiance d’Espien suite à mon ordre qui lui intimait de faire dormir l’infidèle à mon palais m’énerve – non pas que le sort d’Aybak m’intéresse en réalité, c’est juste qu’il est ma couverture pour faire entrer Arda et Albert. Autrement il pourrait croupir dans une geôle que je m’en foutrais.

« Tout païen qu’il est, l’émir Aybak est notre meilleure arme contre le sultanat Munshaqqin ! Je vous rappelle que mon frère Lothaire est toujours en Outremer – je n’ai aucune envie que les infidèles de l’autre côté de la mer le capturent ou reprennent les hostilités lorsqu’ils sauront que nous n’avons plus entre nos mains un otage aussi important.
Il ne restera pas longtemps au palais. Nous lui trouverons un château dans lequel l’enfermer, ou alors nous le confierons à un ordre saint, mais pour les prochains jours au moins il sera placé dans le palais. Ne discutez pas, faites. »


C’est la première fois que je réponds aussi sèchement à Espien. Je suis même obligé de m’arrêter en me postant juste devant lui, et le pointer du doigt, afin qu’il comprenne bien mon ordre. Puis, je chasse l’air de ma main et reprend ma route.

« Il faudra que tous mes vassaux aillent en Vendaume lors de mon sacre, alors. Que tous puissent contempler mon ascension. Une fois ordonné par l’archevêque, je deviendrai le lieutenant de Dieu sur Terre, et chacune de leurs offenses envers moi sera chèrement payée.
Qu’ai-je à savoir sur les nobles que nous allons rencontrer ? Nous ne sommes qu’entre nous, il n’y a nulle oreille indiscrète, alors ayez envers moi une honnêteté totale. Il y a cette espèce de conflit entre la famille d’Annequin et les Tancarvelles… Comment les choses se passent ? »

Armarius
Armarius
Messages : 1020
Date d'inscription : 07/07/2017
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 19:25
« Si tel est votre désir mon prince, vous invitez chez vous qui vous voulez. Mais rappelez vous que nous sommes en Cahogne. En Ponantique les princes triaphysites peuvent peut être inviter à leur table des infidèles, mais ici les Sanlars sont rares et vous savez que nos rapports avec les païens sont compliqués. En voir un dans une chambre du palais pourrait déplaire à certains. »

Les grandes portes s'ouvrirent et à nouveau le bruit de la foule revint aux oreilles du duc.

« Le conflit au sein de la maison des Tancarvelles remonte à la mort de Richard l'Ancien en 1279. S'en est suivi une querelle de succession entre ses deux fils, Mauger et Onfroi. Mauger était l'aîné, mais issu d'un mariage non reconnu par l'Eglise, donc officiellement un bâtard. On ne sait comment, il réussi à obtenir sa légitimité par une lettre de l'archevêque et il disputa l'héritage à son frère cadet. Onfroi en appela au Parlement, mais Hugues préférait jouer du conflit familiale pour obtenir les faveurs des Tancarvelles. La question n'a pas été réglée et Onfroi est mort trois ans après son père, tué en mer par des pirates, ne laissant qu'un fils de 10 ans pour lui succéder. Il va s'en dire que Mauger écarta son neveu et prit tout l'héritage pour lui.
Le problème vient des mariages de Mauger et de Onfroi, qui embarquèrent les Saint-Saëns et les Annequin dans la dispute. Mauger épousa Rose de Saint-Saëns, sœur de Cécil, et Onfroi épousa Agnès, sœur de Charles. Les Saint-Saëns et les Annequin ce sont donc opposés en soutenant deux Tancarvelles rivaux, les Saint-Saëns pour Mauger et les Annequin pour Onfroi...
La dispute familiale gangrène les relations entre les grandes familles de Cahogne depuis trop longtemps, comme vous l'avez vu à Saint-Clair. Mais depuis la mort d'Onfroi les choses se sont arrangées. Mauger et son fils Eustache sont maréchaux sous les ordres de Charles d'Annequin, ils ont réussi à mettre leur désaccord de côté, mais certains soutiennent encore Richard Beaucoeur, le fils d'Onfroi.
Bref, je ne saurais trop vous conseiller de ne pas entrer dans ces conflits, vous avez mieux à faire. Il serait malavisé je pense de relancer la querelle en privilégiant Richard au détriment de Mauger et de ses fils. »


Ils avaient reprit le chemin de la grand rue puis bifurqué à gauche en direction du rocher du Lion. A l'horizon, surplomba la ville, les grandes tours du palais ducal. La résidence des ducs, à la fois forteresse et palais, était un bâtiment magnifique qui illustrait toute la puissance de la maison de Cahogne.
Eudes II de Cahogne
Eudes II de Cahogne
Fiche : Fiche
Messages : 369
Date d'inscription : 18/12/2019
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitimeDim 5 Jan - 19:55
Je remonte sur mon cheval, tandis qu’Espien se redresse sur le sien. On va reprendre la route, cette fois-ci bien plus rapidement, et bien mieux protégé par la garde housecarle. Je prévois de rentrer dans mon palais en pleine pompe, poing sur la hanche, sous les applaudissements de mes vassaux, avec uniquement un écuyer pour me guider. C’est ça l’image que je veux envoyer de moi : Un duc chevaleresque et héroïque. J’en suis loin. Lothaire est bien mieux que moi à ce niveau. Mais ce qui compte c’est l’image, pas la réalité.

Le temps de me mettre en selle, et de replacer mes pieds dans les étriers, je répond vite à Espien :

« Il n’empêche que le fils d’Onfroi a de fortes prétentions. Il est injuste qu’il n’ait aucune part de l’héritage. Et l’injustice nourrit les complots.
Pour l’heure, j’ignore cette affaire, mais j’aimerais que vous réfléchissiez à une chose qu’on pourrait lui octroyer. Un domaine, un apanage… Je préfère qu’il se contente d’un peu plutôt qu’il se retrouve sans rien. »


Et ayant dit ça, je replace mon heaume que me tend un valet d’armes sur ma tête, et je me prépare à retourner fièrement dans mon palais.
Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: L'entrée du prince d'outremer L'entrée du prince d'outremer Icon_minitime
L'entrée du prince d'outremer
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Casus Belli :: RP :: Soulans, la capitale.-